Groupe 3 - Être bienfaisant envers autrui

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Andre DEL SARTO, La Charité, huile sur bois transférée sur toile, 1518, Musée du Louvre.


Extrait :

Être bienfaisant, lorsqu’on le peut, est un devoir, et, de plus, il y a certaines âmes si naturellement sympathiques, que, sans aucun motif de vanité ou d’intérêt, elles trouvent une satisfaction intérieure à répandre la joie autour d’elles, et jouissent du bonheur d’autrui, en tant qu’il est leur ouvrage. Mais je soutiens que dans ce cas l’action, si conforme au devoir, si aimable qu’elle soit, n’a pourtant aucune vraie valeur morale, et qu’elle va de pair avec les autres inclinations, par exemple avec l’ambition qui, lorsque, par bonheur, elle a pour objet une chose d’intérêt public, conforme au devoir, et, par conséquent, honorable, mérite des éloges et des encouragements, mais non pas notre respect car la maxime manque alors du caractère moral, qui veut qu’on agisse par devoir et non par inclination. Supposez maintenant qu’un de ces hommes bienfaisants soit accablé par un chagrin personnel, qui éteigne en son cœur toute compassion pour le malheur d’autrui, et qu’ayant toujours le pouvoir de soulager les malheureux, sans être touché par leur malheur, tout absorbé qu’il est par le sien, il s’arrache à cette morne insensibilité pour venir à leur secours, quoiqu’il n’y soit poussé par aucune inclination, mais parce que cela est un devoir, sa conduite alors a une véritable valeur morale. Je dis plus si le cœur d’un homme n’était naturellement doué que d’un faible degré de sympathie si cet homme (honnête d’ailleurs) était froid et indifférent aux souffrances d’autrui, par tempérament, et peut-être aussi parce que, sachant lui-même supporter ses propres maux avec courage et patience, il supposerait dans les autres ou exigerait d’eux la même force ; si enfin la nature n’avait pas précisément travaillé à faire de cet homme qui ne serait certainement pas son plus mauvais ouvrage, un philanthrope, ne trouverait-il pas en lui un moyen de se donner à lui-même une valeur bien supérieure à celle que lui donnerait un tempérament compatissant ? Sans doute ! Et c’est ici précisément qu’éclate la valeur morale du caractère, la plus haute de toutes sans comparaison, celle qui vient de ce qu’on fait le" bien, non par inclination, mais par devoir.

Emmanuel KANT, Fondement de la métaphysique des mœurs, tr. Jules Barni, Paris, Ladrange, 1848, p. 20-22.


Questions :

1. Lorsque nous agissons pour le bien d'autrui, agissons-nous par devoir ou conformément au devoir ?

2. En quoi ce type d'action est-il doté ou non d'une valeur morale en fonction de la satisfaction que nous éprouvons à la réaliser ?

3. Pourquoi de telles actions sont elles dès lors dignes d'éloges et d'encouragements, mais non dignes de respect ? Quelle définition pouvez-vous donner ici de la notion de respect ?

4. Pourquoi une personne bienfaisante envers une autre personne, aux malheurs ou au bonheur de laquelle elle serait complètement indifférente, agirait-elle au contraire uniquement par devoir ?

5. Expliquez en quoi cette analyse modifie selon vous la représentation de l'attitude couramment désigné par le mot : altruisme.

6. La bienfaisance envers autrui est-elle une action morale, chez le philanthrope ou chez le misanthrope ? Commencez par définir ces deux termes, avant de réfléchir à votre réponse.

7.  À l'encontre de quelle conception de la bienfaisance la position de l'auteur semble-t-elle aller ?

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